Gravure frontispice de Robinson Crusoe (1719) |
Toute mauvaise chose, même les pires, ayant quelques avantages, ces temps incertains du « virus chinois » — car il faut bien appeler un chat, un chat, n'en déplaise à tous les bien pensants et les peureux de ce monde — sont une occasion rêvée de remettre certaines choses en question, de réfléchir, de découvrir.
Prenez, par exemple, la radio. J'adore la radio, surtout celle par laquelle on s'informe, on apprend des choses... sans la distraction de l'image. Malheureusement, dans mon pays, au fil des dix ou quinze dernières années, cette « radio parlée » (à ne pas confondre avec la talk radio) de qualité a quasiment disparue. Rare en effet sont les émissions radiophoniques canadiennes, qui ne prennent pas l'auditeur pour un simple d'esprit, ou qui ne font pas de la propagande quasi-soviétique des sujets à la mode. Bref, la radio parlée de langue française au Canada intelligente — celle qui invite à la découverte, au rêve, et surtout à la réflexion —, n'existe plus. Et n'en déplaise à mes compatriotes, j'ai l'impression de vivre chez les barbares, dans une société un peu, beaucoup inculte, tournée sur elle-même, avec son petit pain et ses petits jeux, ses petits problèmes insignifiants, et qui aime tant donner des leçons sur tout et sur rien, une société où toute humanité semble avoir disparue au profit d'un discours démagogique, haineux et ségrégationniste, qui augure très mal pour les années à venir. Suffit!
Donc, depuis quelque temps, j'ai délaissé l'écoute des ondes de mon pays pour me tourner vers celles de la « métropole », si l'on veut, celle de la France, comme je l'ai fait il y a quelques années pour la télévision. Je n'ai pas été déçu. Quel choix! L'amateur d'Histoire que je suis se trouve comblé. Parmi mes découvertes, et une qui, évidemment, concerne les flibustiers, je signale la série Une histoire de la piraterie, diffusée en quatre épisodes en 2019, dans l'excellente (mais défunte) émission La Fabrique de l'Histoire, sur France Culture.
Évidemment, comme dans tout, il a du bon et du moins bon. Récemment, j'ai écouté en rediffusion, cette fois sur France Inter, Henry Pitman, le vrai Robinson Crusoe. Il s'agit d'un épisode de l'émission Autant en emporte l'histoire, qui propose à chaque semaine « une fiction historique qui met en scène un personnage... réel ou fictif, pris dans la tourmente d’un épisode de l’Histoire ». Pourquoi me suis-je intéressé à cette émission? C'est parce que le chirurgien Pitman a rédigé un récit de ses mésaventures aux Antilles en 1686-1687, au cours duquel il a rencontré des flibustiers. Bon, je comprends que ce que j'ai écouté était pour l'essentiel une fiction (bien faite au demeurant), mais était-ce vraiment nécessaire d'inclure dans la dramatisation une esclave noire et un Indien, alors que le premier personnage ne figure même pas dans la relation de Pitman, et que le présence du second, dont on sait uniquement qu'il venait de la Floride, n'y est qu'anecdotique? Je passe sur cela, puisqu'il est maintenant de bon ton de se montrer « inclusif ». Ne sommes-nous pas les descendants ou héritiers de vilains et méchants esclavagistes et de « génocidaires »? Alors expions ces fautes sur l'autel de l'Histoire, une Histoire qui est plus que jamais politisée. Bref, je vois qu'en France comme ici, cette nouvelle inquisition intellectuelle s'est propagée plus vite qu'une mutation du virus chinois ou que les mesures « Big Brother » ou « néo-fascistes » des hypocrites qui nous gouvernent...
Mais je m'égare encore... venons-en à l'essentiel (de ma perspective d'historien spécialisé dans la piraterie), soit le traitement qui est donné, dans cette fiction de France Inter, aux flibustiers rencontrés par Pitman. On y met en scène le capitaine Jan Willems alias Yankey (que Pitman n'a jamais croisé), d'un pavillon noir arboré (bel anachronisme), et autres clichés. Donc, par souci de rétablir un peu tout ça, je propose ici un texte qui identifie les flibustiers rencontrés par Pitman, et à la lumière d'autres sources, ce qui s'est effectivement passé. C'est encore une autre primeur, puisque si le texte de Pitman est relativement connu (et qu'il a été récemment traduit en français), la partie qui se rapporte aux flibustiers n'a, elle, jamais été étudiée :