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10 mars 2022

Notes de lecture : Les aventures du capitaine Montauban

Couverture du livre

Histoire du sieur de Montauban, capitaine flibustier : Course, traite et littérature
Texte présenté par Maxime Martignon
112 pages (12,5 x 20 cm)
Toulouse: Éditions Anacharsis, 2021
ISBN : 9791027904198
http://www.editions-anacharsis.com/Histoire-du-sieur-de-Montauban-capitaine-flibustier.


La première fois que j'ai lu la relation du capitaine Montauban aux Antilles et en Guinée contre les Anglais, c'était il y a longtemps (au siècle précédent), dans une édition de poche, moderne et tronquée (parue chez J'ai Lu), de l'Histoire des avanturiers flibustiers qui se sont signalez dans les Indes (1699), la seconde version française du livre d'Exquemelin. Elle avait d'abord été publiée à Bordeaux, dès 1697, sous le titre Relation du voyage du Sieur de Montauban capitaine des filbustiers en Guinée, dans l’année mil six cens quatre-vingt-quinze; avec une description du Royaume du Cap de Lopes, des moeurs, des coûtumes & Religion du Païs. C'est cette version originale (écrite à la première personne du singulier, contrairement à celle figurant dans le livre d'Exquemelin), dont il ne reste qu'une poignée de copies, que les Éditions Anacharsis ont choisi pour leur nouvelle édition du singulier récit du flibustier Montauban... nouvelle édition, car déjà en 2001, cette maison d'édition avait publié une première mouture en se basant sur l'édition parue à Amsterdam en 1698, quasiment identique à quelques mots près au demeurant. Cette fois, Anacharsis a confié à Maxime Martignon le soin de présenter, commenter et annoter la relation de Montauban, et c'est ce qui fait toute la différence.

Maxime Martignon, récemment gradué docteur en histoire moderne (Université Gustave Eiffel), « attaché temporaire d'enseignement et de recherche » à l'Université d'Orléans, en est venu à s'intéresser aux flibustiers, par une voie quelque peu détournée, mais pas moins intéressante pour autant. Son domaine d'études est, en effet, beaucoup plus vaste puisqu'il recoupe à la fois l'histoire littéraire, celle des imprimés français de toutes sortes relatifs aux voyages, expéditions et conquêtes publiés au XVIIe siècle, et celle des réseaux savants qui, à l'époque, eurent une part non négligeable dans la diffusion et la critique de ces ouvrages. Dans son introduction, il retrace correctement en s'appuyant principalement sur des documents provenant des Archives nationales d'outre-mer et des Archives départementales de la Gironde, les voyages que Montauban effectua en Amérique et en Guinée avant celui qui fait l'objet de sa relation, et qui se termina dramatiquement. J'écris « correctement », parce qu'il y aurait eu encore des choses à dire quant à ces voyages en utilisant d'autres sources (anglaises, espagnoles et portugaises) comme Jacque Gasser l'a fait dans son Dictionnaire des flibustiers des Caraïbes, dans la notice (p. 345-354) qu'il consacre à ce capitaine. Martignon poursuit son introduction en étudiant la relâche de Montauban en France en 1694, particulièrement son long séjour à Bordeaux, d'où il devait appareiller pour son dernier voyage. Pour bien illustrer son propos, il a d'ailleurs annexé à la relation du flibustier le procès-verbal de l'adjudication de prises anglaises que ce dernier mena à Bordeaux à cette occasion. Enfin, il conclut cette introduction par un intéressant constat : le flibustier, par ses activités de pillage, était aussi l'un des pourvoyeurs d'esclaves d'une colonie. Cependant, là où Martignon se distingue, c'est bien dans sa postface où il raconte l'histoire de la publication de la relation de Montauban, et aussi comment cet ouvrage fut perçu par les élites parisiennes.

Bref, un petit récit d'un flibustier, certes déjà divertissant en lui-même, mais ici sobrement et brillamment mis en contexte. Oui, il est toujours possible de lire gratuitement certaines des premières éditions de récit sur Gallica, Internet Archive ou Google Books. Oui, mais là... vous n'aurez pas droit à plus!