Dans mon texte intitulé Lorsque les flibustiers prenaient la plume : le dossier « Massertie », publié l'an passé dans la revue HISTOIRE(S) de l'Amérique latine, j'ai commis une légère erreur. En effet, à la page 2, note 6, de ce texte, j'y identifiais Raveneau de Lussan, auteur d'une relation de voyage en mer du Sud, comme étant « Hiérosme Raveneau, sieur de Luxan, bourgeois de Paris, décédé en 1716 ». Or, après quelques vérifications, il apparaît que ce personnage ne peut pas être le flibustier Raveneau, mais plutôt son père... bien que je doive demeurer prudent en formulant cette nouvelle hypothèse... plus prudent que je ne l'ai été en prenant pour vérité ce qui manquait de corroboration! L'erreur m'apparaît d'autant plus importante que ma bévue se retrouve maintenant dans la notice de Raveneau de Lussan sur Wikipedia, et que l'un de mes collègues a utilisé ce renseignement dans l'une de ses publications. Reprenons donc l'affaire depuis le début.
Le nom complet du sieur Raveneau, qui servit sous des capitaines tels que Laurent de Graffe et François Grogniet, est inconnu, même si dans certaines notices biographiques (par exemple, celle du catalogue la Bibliothèque nationale de France) il est prénommé Jacques. Malgré les recherches que j'ai faites à plusieurs reprises, je n'ai jamais trouvé aucune source confirmant ce prénom. Cependant, il y a quelques années, j'ai découvert un document produit par un généalogiste français nommé Guillaume Pot, Familles BRILLON & SALMON : marchands drapiers, où il était question de Hierosme [autrement dit Jérôme] Raveneau, sieur de Luxan, bourgeois de Paris, décédé en 1716. Évidemment, puisque le nom de lieu Luxan est une variation de Lussan — ce que j'ai pu constater dans d'autres documents que j'ai pu consulter sur Geneanet, et notamment des actes notariaux originaux ou des dépouillements de ces actes —, je me suis dis, voici notre flibustier! Cela paraissait plausible. En effet, ce Hierosme Raveneau avait épousé, en 1703, Geneviève Brillon, dont il avait eu un fils prénommé Charles Hiérosme né l'année suivante.
C'était trop beau pour être vrai. En effet, il y a quelques jours, en consultant les pièces originales du Cabinet des titres, provenant des anciennes archives de la Chambre des Comptes, Ravelin-Ravignan (BnF Français 28923), je me suis rendu compte de ma méprise. Ledit Hierosme Raveneau sieur de Lussan n'en était pas à son premier mariage. Avant son union avec la demoiselle Brillon, il était déjà veuf (depuis 1701) de feue Geneviève Belin, qu'il avait épousée, également à Paris, en... 1658. Or, à supposer qu'il ait eu au plus 20 ans en 1658, il aurait eu près de 40 ans en 1677, lors du siège de Saint-Ghislain, dans les Flandres, auquel Raveneau de Lussan le flibustier dit avoir participé alors qu'il était très jeune, encore à la charge de de ses parents.
L'affaire ne s'arrête pourtant pas là. Hierosme Raveneau, sieur de Luxan, eut aussi un fils de sa première épouse, la demoiselle Belin, prénommé Hiérosme comme son père. Ce second Hiérosme Raveneau, décédé avant son père le sieur de Luxan, soit avant 1716, pourrait-il être notre flibustier? Il laissa trois enfants de son union avec une certaine Françoise Boutillier, lesquels sont qualifiés de mineurs au décès de leur grand-père paternel. À cette époque la majorité étant fixée à 25 ans, l'aîné de ces trois enfants serait donc né au plus tôt vers 1691, vraisemblablement beaucoup plus tard. Par conséquent, le mariage de leur père avec la demoiselle Boutillier aurait été célébré dans les dernière années du XVIIe siècle, soit après le retour de Raveneau le flibustier en France. Il serait vraisemblable — notez le conditionnel — que ce dernier et Hierosme Raveneau fils soient un seul et même homme. Dans tous les cas, il y a une relation évidente entre le flibustier qui se faisait appeler Raveneau de Lussan, originaire de Paris, et cette famille Raveneau de Luxan, également de Paris.
Avant de conclure ce mea culpa touchant Raveneau, je souligne ici qu'un exemplaire de la première édition de son livre a été récemment mis en ligne sur Gallica. Cette édition, fort rare comparativement à celles suivantes de 1690, 1693 et 1705, fut achevée d'être imprimée le 22 septembre 1689 sur les presses de Jean-Baptiste Coignard, imprimeur ordinaire du roi.