Au cours de l'été qui vient de se terminer, j'ai beaucoup travaillé sur une source volumineuse touchant l'escale du capitaine Nicolas van Hoorn, alors un négrier, à Santo Domingo, quelques mois avant qu'il ne commande en chef la prise de la cité portuaire de Veracruz (1683). J'en suis venu, parallèlement, à me documenter sur la carrière de Van Hoorn antérieure à ces deux affaires. Et j'espère pouvoir un jour écrire quelque chose là-dessus, et pourquoi pas un livre, parce que la prise de Veracruz fut véritablement la plus profitable entreprise des flibustiers au XVIIe siècle, beaucoup plus que celle de Panama.
Pour la petite histoire, Van Hoorn ne fut ni un corsaire ou un pirate pas plus qu'un flibustier avant ces affaires, et ce quoiqu'on en disent les relations qui le concernent se trouvant dans l'édition française d'Exquemelin de 1699. Mes récentes recherches m'ont permis en effet d'apprendre que ce marchand de Flessingue avait résidé dans la ville française de Nantes, où il s'était marié, avant de devenir, lors de la guerre de Hollande, commissaire priseur pour le compte de l'Amirauté de Zélande en Galice et en Biscaye, et qu'ensuite, il avait bel et bien fait trois voyages négriers consécutifs en Guinée, en 1677-1678, 1679-1680 et 1682. Je suis ainsi parti à la découverte de la traite des esclaves aux côtes de Guinée, telle qu'elle se pratiquait à l'époque. Parmi les nombreuses sources anciennes (manuscrites ou publiées) et modernes que j'ai consultées, se trouvait l'imposante description des côtes de Guinée, fruit des notes d'un marchand français nommé Jean Barbot.
De confession calviniste, Barbot avait effectué quelques voyages négriers en Guinée, et lors de la révocation de l'Édit de Nantes, il s'était exilé, comme beaucoup de protestants français, en Angleterre. C'est dans ce pays, et en anglais, que fut publié à titre posthume son ouvrage sur la Guinée sous le titre A Description of the Coasts of North and South Guinea (Londres, 1732). Or, aux pages 425-426, parmi les nombreuses annexes qui grossissaient le titre principal, telle ne fut pas ma surprise d'y voir mentionner le nom d'Étienne Massertie :
« Monsieur de Gennes, whom I knew in France, engineer in the King of France's service, after the expedition I am now going to speak of, was made governor of part of St. Christopher's island, in America, and at last taken at sea by the English, and carried to Plymouth, where he died; being sent, by the King of France's approbation, with a little squadron of four frigates, one corvette of war, and two pinks, carrying mortars and six hundred bombs, with all sorts of provisions and ammunition, necessary for a long voyage, to make a full discovery of the coasts of New Spain in the South Seas; in order to reap the advantages that one Macerty and one Oury made out might be expected from such an undertaking, they having , among other buccaneers, taken very rich booties from the Spaniards in those parts. »
Ici, Barbot faisait référence à l'expédition conduite par l'une de ses connaissances, Jean-Baptiste de Gennes, officier de la marine royale française converti au catholicisme, qui tenta de passer à la mer du Sud en 1695, par le détroit de Magellan, pour aller faire la guerre aux Espagnols. Ce voyage qui avorta avait été effectivement entrepris sur la foi des renseignements fournis par Massertie à De Gennes à son retour de la mer du Sud, comme Frantz Olivié et moi l'expliquons dans L'Enfer de la flibuste (Toulouse: Éditions Anacharsis, 2021), p. 427-439. Nous savions par ailleurs que Massertie avait un associé dans cette affaire. À ce propos, faisant le rapport des aventures précédentes en mer du Sud du capitaine Franc Rolle, de Massertie et de leurs compagnons (1685-1694), le Jésuite La Mousse écrivait depuis Cayenne :
« Un des deux flibustiers qui avaient acheté le vaisseau, fils d’un bon marchand de Bourdeaux, se noya, passant de Blaye à sa ville ; il s’appelait Masserti (...) Son camarade nommé Étranger monte un des vaisseaux de l’escadre qui est partie de La Rochelle sous le commandement de M. de Gennes pour aller à la mer du Sud. » [idem, p. 374-375]
Toutefois « Étranger » ne pouvait être qu'un surnom, puisque les deux flibustiers qui servirent comme lieutenants à bord des navires de De Gennes, à la suite du décès de Massertie, sont connus. Il s'agit de Lamarre de Caen et Richard Horry. Des deux, De Caen apparaissait le candidat le plus probable, ou à tout le moins c'était celui dont la carrière est la mieux documentée. Dans mon texte Lorsque les flibustiers prenaient la plume : le dossier Massertie, je signalais d'ailleurs ce fait sans prendre définitivement position à savoir s'il avait été ou non l'associé de Massertie. Ici, Barbot vient établir que cet associé de Massertie était plutôt Horry (qu'il appelle « Oury »).
Sur le même sujet, je signale qu'aujourd'hui (le 6 octobre) l'émission Le Cours de l'Histoire, diffusée sur France Culture, a consacré son quatrième et dernier épisode de sa série « Prendre la mer, une histoire », sous le titre À l’abordage! Les flibustiers écument les mers du Sud à ces aventuriers. À cet occasion, l'animateur Xavier Mauduit a reçu, parmi ses invités, l'éditeur Frantz Olivié et Maxime Martignon, auteur d'une édition critique de la relation du capitaine Montauban.